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Très vite, un évidence : ici, en ce matin de février à Parangtritis, nous vivons un état qui pourrait être l'état naturel de nos existences, et qui s'échappe plus vite que le furet. Cet état ne pousse pas aux interrogations sur sa nature ; il fait la nique à la mort ; renvoie le passé dans les franges. Certains s'en éloignent pour des mirages ; certains ne le supportent pas chez les autres ; certains en ont peur ; l'appellent tandis qu'ils le fuient ; ignorent son existence ; le méprisent comme une faiblesse ; ne le découvrent qu'après l'avoir perdu. Il n'a jamais été une « idée neuve », lui qui a l'âge de l'humanité ; il va et vient sans prévenir ; il est parfois si transparent que seul son départ prouve qu'il était venu ; il est moqué par les névrosés, enrôlé par les démagogues. Il serait prudent de ne pas le nommer. Je le nomme : le bonheur.

Olivier Germain-Thomas, Manger le vent à Borobudur
Gallimard, le sentiment géographique, 2013

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