L'humidité de l'air, au bord du lac Xolotlán, l'odeur un peu poisseuse de l'eau, et celle du porc qui grésille sur les braseros des gargotes : rien n'avait dépaysé les milliers de Cubains qui s'étaient promenés ici en vainqueurs, pendant les dix années de la révolution sandiniste, dans leur uniforme vert olive — même si, pour les vrais Havanais, Managua devait paraître un peu plouc et provinciale, sans les tours flamboyantes des grands hôtels Art déco couleurs pastels du Vedado, ni les splendeurs passées des villas blanches de Miramar, aux colonnes enroulées de philodendrons, en train de moisir au fond des parcs, sans les pavés de bois de la place d'Armes, ni les grues, ni les tankers du port de la Havane.
Patrick Deville, Pura vida, vie et mort de William Walker
Seuil, 2004