All posts by Romuald

#38

Tous ces grands arbres, immergés jusqu’à la naissance des branches, simulent dans l’obscurité nos chênes et nos hêtres ; on dirait un pays inondé de nos climats, s’il n’y avait cette chaleur lourde, ces excès de senteurs, ces excès de bruissements partout, cette pléthore de sève et de vie. Le ciel s’est de nouveau rempli de nuées d’orage et l’air redevient accablant.

Pierre Loti, Angkor
Éditions Magellan, 1912

#37

Ellen Galt Martin, si elle avait été l'héroïne d'un roman sudiste, aurait eu le teint de pêche des jeunes filles élevées sous serre et délicates. Ses longs cheveux lisses sont vraisemblablement d'un noir bleuté. Ils accrochent des reflets d'aile de corbeau lorsqu'elle se balance dans son rocking-chair, sous la véranda de la grande villa blanche de la rue Julia, dans le beau quartier des Trois-Maisons, où elle n'entend pas chanter les oiseaux du jardin.
En 1849, l'unique amour dans la vie de William Walker meurt du choléra.

Patrick DevillePura vida, vie et mort de William Walker
Seuil, 2004

#36

La nuit vient quand nous nous remettons en route. Cris de hiboux, cris de bêtes de proie ; concert infini de toutes sortes d'insectes à musique, qui délirent d'ivresse nocturne dans les inextricables verdures.

Pierre Loti, Angkor
Éditions Magellan, 1912

#34

[...] et déjà tout ce que nous avons bâti à Phnom Penh a pris un air de vieillesse, sous la brûlure du soleil ; les  belles rues droites que nous y avons tracées, et où personne ne passe, sont verdies par les herbes ; on croirait l'une de ces colonies anciennes, dont le charme est fait de désuétude et de silence...

Pierre Loti, Angkor
Éditions Magellan, 1912

#32

Marguerite Duras interroge sur le site de l'INA, un petit garçon de 7 ans sur l'avenir. Réponses surprenantes...
J'ai longtemps eu une certaine aversion pour Marguerite Duras, mais, je ne sais pas pourquoi, plus le temps passe, plus je me sens attiré par cette dame que j'ai connu à la fin de sa vie sans avoir d'autres images d'elle que l'image d'une vieille dame tassée.  Elle symbolise pour moi une époque révolue, l'époque de ses entretiens avec Mitterrand... une époque que j'aime encore.

#31

L'humidité de l'air, au bord du lac Xolotlán, l'odeur un peu poisseuse de l'eau, et celle du porc qui grésille sur les braseros des gargotes : rien n'avait dépaysé les milliers de Cubains qui s'étaient promenés ici en vainqueurs, pendant les dix années de la révolution sandiniste, dans leur uniforme vert olive — même si, pour les vrais Havanais, Managua devait paraître un peu plouc et provinciale, sans les tours flamboyantes des grands hôtels Art déco couleurs pastels du Vedado, ni les splendeurs passées des villas blanches de Miramar, aux colonnes enroulées de philodendrons, en train de moisir au fond des parcs, sans les pavés de bois de la place d'Armes, ni les grues, ni les tankers du port de la Havane.

Patrick Deville, Pura vida, vie et mort de William Walker
Seuil, 2004

#30

De singuliers visages se découvrent au miroir des guerres. Est-ce nous-mêmes qui changeons, ou le monde, lorsque la passion se retire, comme la mer, de l'acte passionné qui nous opposa à lui ? [...] Comprendre ne permet point toutes les démences. Et cependant, quels sacrifices, quels héroïsmes injustifiés dorment en nous...

André Malraux, La tentation de l’occident
Pléiade, 1926