Les sympathies de ces fantômes vont (probablement) aux immortels ; aux anges de là-haut et aux démons d'en bas. Je me contente de sympathiser avec le commun des mortels, où qu'ils vivent ; dans les maisons ou sous les tentes, dans les rues sous le brouillard, ou dans les forêts derrière la ligne sombre des sinistres manguiers qui bordent la vaste solitude de la mer. Car leur terre — comme la nôtre — s'étend sous les yeux insondables du Très-Haut. Leurs cœurs — comme les nôtres — doivent supporter la charge des dons du Ciel : la malédiction des faits et la bénédiction des illusions, l'amertume de notre sagesse et la trompeuse consolation de notre folie.
Joseph Conrad, Note de l'auteur in La Folie Almayer (1895)
Traduit de l'anglais par Anne-Marie Soulac
Gallimard, 1982