Place Morazán, à Tegucigalpa, derrière la statue équestre de Francisco Morazán — et non de Ney —, la façade de la cathédrale San Miguel, bâtie par les descendants asservis des Indiens adorateurs du serpent à plumes et de l'oiseau quetzal, restitue en plus large celle de l'église Santa María de Los Dolores, et celle de toutes les autres : deux grands clochers en façade, murs blanchis dont les aspérités offrent l'économie d'une horloge, tant le glissement du soleil teinte avec précision, d'heure en heure, le passage lent du jour, pour ceux qui restent adossés au muret de l'aube jusqu'au crépuscule, ne voient pas bien ce qu'ils pourraient faire d'autre dans la vie que suivre le glissement des couleurs en éventail sur la façade de la cathédrale, des roses bleutés de l'aurore au vermeil aveuglant du plein midi, sable chaud et chamois des dunes vespérales, or presque vermillonné de la fin d'après-midi, mauve verdissant du soir, à mesure que l'ombre de la statue équestre de Morazán — et non de Ney —, comme le gnomon d'un cadran solaire, tourne sur la place et s'allonge, à la gloire du champion de l'éphémère République centraméricaine.
Patrick Deville, Pura vida, vie et mort de William Walker
Seuil, 2004